Hollywood au Québec

Quand le petit enrichit le gros
Dans les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, le Canada voit son déficit commercial s’accroître dans ses échanges avec les États-Unis. Par exemple, les Canadiens vont beaucoup plus en vacances en Floride ou sur les plages du Maine que les Américains ne visitent la Gaspésie. Rien que pour le cinéma, les studios hollywoodiens rapatrient chez eux plus de 17 millions de dollars, somme très considérable, alors qu’aucun long métrage canadien n’est projeté aux États-Unis.

Pour contrer ce déséquilibre, le gouvernement d’Ottawa entend voter une loi qui interdirait bientôt la sortie d’une partie de ces capitaux, ce qui forcerait les majors à dépenser cet argent au Canada, et, pourquoi pas, à le réinvestir dans le cinéma local. Certains songent même à limiter la présence des films américains sur les écrans pour donner plus de chance au cinéma national, comme plusieurs pays développés le font.

Une entente qui semble intéressante
La riposte américaine ne se fait pas attendre. Pour les majors, il n’est pas question d’une loi limitant le libre commerce. Eric Johnston, président de la Motion Picture Association of America vient à Ottawa faire du lobbying avec l’aide de J.J. Fitzgibbons, président de Famous Players Canadian Corporation, et propose des mesures « volontaires » qui favoriseraient l’industrie canadienne. Après quelques mois de discussions, les majors et le gouvernement canadien annoncent le 24 janvier 1948, la mise sur pied du Canadian Co-operation Project, qui sera maintenu pendant dix ans.

L’entente a cinq grands objectifs :
1. Obtenir plus de productions américaines (tournages) au Canada ;
2. Acheter plus de films canadiens pour le marché américain ;
3. Donner une chance au capital canadien de participer aux productions américaines ;
4. Promouvoir le tourisme américain au Canada ;
5. Présenter des informations générales au sujet du Canada dans des films diffusés aux États-Unis.
Qu’en résulte-t-il ?

Hollywood en Québec ?
Il y a bien quelques tournages au Canada. Au Québec, Otto Preminger vient tourner en 1951 à Saint-Hilaire et dans les studios de Québec Productions The 13th Letter, un remake du Corbeau de Henri-Georges Clouzot, mais sans les éléments subversifs de l’original. En effet, ce qui se passe à « Saint-Marc sur le Richelieu », petite ville de province, n’a rien à voir avec les événements de la petite ville française de Saint-Robin. Au final, un film banal, qui ne sort au Québec que dans sa version originale et qui est ignoré par la critique francophone, comme si le film n’existait pas.

Puis Alfred Hitchcock vient tourner I Confess, en 1952, un film qui ne dépare pas l’œuvre du grand réalisateur. Hitchcock recrée habilement l’atmosphère des petites rues de Québec et utilise intelligemment tout ce qui entoure le secret professionnel lié au confessionnal chez les catholiques pour créer son type de suspense, quand le spectateur est le seul à savoir qui est le meurtrier. En 1995, Robert Lepage, avec Le confessionnal, a su évoquer magistralement tout ce qui a entouré le tournage de ce film ainsi que son influence dans la ville de Québec.

Un marché de dupes, finalement
Seul autre effet, on trouve quelques références risibles à des « réalités » canadiennes comme les « mountaineers from Winnipeg » ou à de merveilleuses forêts dans lesquelles les bandits en fuite trouvent des cachettes sûres. C’est par dérision pour ces références que John Kramer intitulera son histoire filmée du cinéma canadien (1939-1953) Has Anybody Here Seen Canada ?, une de ces vagues allusions au Canada tirées de films mineurs. Quant à la distribution américaine des films canadiens, elle est presque nulle, si ce n’est quelques courts métrages de l’ONF donnés pour rien à la Columbia.