L'avènement de la télévision
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La Patrie, 8 septembre 1952, p.6
Source : Bibliothèque et Archives nationale du Québec
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La Patrie, 6 septembre 1952, p21
Source : Bibliothèque et Archives nationale du Québec
Premières expériences
Au moment où la télévision de Radio Canada entre en ondes à Montréal le 6 septembre 1952, la télévision a déjà une longue histoire. Plusieurs expériences clé ont ainsi lieu dès les années 1920, alors que certains inventeurs expérimentent la télévision mécanique à travers le monde. À Montréal, le journal La Presse et la station de radio CKAC sont les premiers à lancer, en 1931, une station de télévision utilisant cette technologie. Même si on ne trouve alors guère plus d’une vingtaine de récepteurs dans l’ensemble du pays, la station VE9EC persiste malgré tout jusqu’en 1933 à mettre en ondes des émissions musicales et un radio-théâtre, La paix chez-soi, mettant en vedette Henri Letondal. D’autres expériences de diffusion par la télévision mécanique sont tentées, notamment par le magasin Eaton à Montréal en 1933.
Au cours des années 1930, plusieurs inventeurs et sociétés commerciales se font par ailleurs concurrence dans le développement de systèmes de télévision électronique utilisant le tube cathodique. Aux États-Unis, RCA s’approprie la nouvelle technologie et lance des émissions destinées au grand public dans le cadre de la Foire internationale de New York en 1939. La Seconde Guerre mondiale viendra cependant interrompre momentanément le développement commercial de la télévision en Amérique du Nord.
Les débuts d’un média de masse
Les choses se précipitent cependant à la fin des hostilités. Aux États-Unis, les grands réseaux (ABC, NBC, CBS) prennent rapidement de l’expansion entre 1945 et 1951. Le nombre de foyers américains dotés de récepteurs passe au cours de cette période de 10 000 à 10 millions ; il sera de 20 millions en 1953 et de 40 millions en 1960. Cette rapide croissance est de plus en plus encadrée par l’industrie et les institutions. À la fin des années 1940, les fabricants de téléviseurs nord-américains s’entendent ainsi sur une résolution standard de 625 lignes. Puis, en 1952, le « Code de la TV », décidant des licences d’État et des différentes longueurs d’ondes, entre en vigueur aux États-Unis. Dès lors, le Canada ne peut qu’emboîter le pas.
Premiers diffuseurs canadiens
Au Canada, l’Office national du film et la Société Radio-Canada, une société d’État créée en 1936, se disputent la responsabilité de la première chaîne de télévision lors des audiences de la Commission Massey. C’est finalement la Société Radio-Canada qui se verra confier par le gouvernement fédéral le mandat de développer la première chaîne de télévision canadienne. Le diffuseur d’État devra cependant réserver quelques plages horaires à l’ONF. La télévision de Radio-Canada entre finalement en ondes le 6 septembre 1952 à Montréal. La station de Toronto suivra deux jours plus tard.
Au cours des années suivantes, la proportion de foyers québécois possédant un téléviseur monte en flèche : de 9,7 % en 1953, elle passe à 38,6 % en 1955 et à 88,8 % en 1960. Et ceci même si le poste CBFT, à Montréal, ne diffuse quotidiennement que quelques heures de programmes bilingues au cours des premières années. La télévision de Radio-Canada diffuse néanmoins de nombreux films français acquis de France-Film.
En 1958, une loi fédérale ouvrant la porte aux diffuseurs privés est adoptée. Deux ans plus tard, Paul L’Anglais et J.A. DeSève fondent Télé-Métropole, bientôt connue sous le nom de « canal 10 ». Télé-Métropole se dote d’un réseau, TVA, qui touche jusqu’à 94 % de l’auditoire québécois en 1977.
Radio, cinéma et télévision
L’arrivée de la télévision met un frein au développement de l’industrie du cinéma au Québec. C’est que, en plus d’être en bonne partie responsable de la chute de la fréquentation des salles dans les années suivant l’entrée en ondes de Radio-Canada, la télévision accapare la grande majorité des artistes et artisans ayant œuvré dans le domaine du cinéma au Québec entre 1944 et 1952. Le phénomène touche tant les techniciens que les acteurs, les auteurs et les réalisateurs. La télévision s’empare également de plusieurs histoires ayant connu un vif succès à la radio et au cinéma : le cas d’Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon, repris au petit écran sous le titre Les Belles histoires des pays d’en-haut, est à cet égard probant.
Cela dit, la télévision a tout de même le mérite de créer de nouveaux débouchés pour les petits producteurs de films indépendants, tel Oméga Productions, une compagnie créée par Roger Racine et de deux anciens de l’Associated Screen News, Pierre Harwood et Henri Michaud.
Duplessis et la télévision
Dans les années ayant précédé l’arrivée de la télévision sur la scène québécoise, Maurice Duplessis avait déjà accusé l’Office national du film et certains postes de radio d’ingérence dans la vie provinciale. L’histoire se répète lors de la création de la télévision de Radio-Canada par le gouvernement fédéral. Prêtant à la télévision d’État une influence centralisatrice, Duplessis bloque dans un premier temps la construction d’émetteurs sur le Mont Royal en bloquant la vente de terrains par la ville de Montréal à la Société Radio-Canada. Puis il tente de soumettre la télévision d’État à la censure provinciale en faisant modifier en décembre 1952 la loi sur la censure. Le nouvel article de loi restera toutefois sans effet, la Société Radio-Canada ne reconnaissant pas la juridiction du gouvernement provincial. L’article sera finalement rayé de la loi du cinéma en 1967.